La recherche de Lorena Díaz

L'artiste d'action se place face à la réalité sans faire référence à des grammaires plastiques particulières, jusqu'au point où sa corporalité devient impliquée dans l'enquête. Cela lui permet d'explorer la réalité d'une large manière, sans lui imposer des modèles qui la précèdent et qui empêcheraient de la connaître en profondeur. Des théories ou des représentations de la réalité provenant d'autres disciplines, comme la science ou la philosophie, deviennent, pour l'artiste d'action, partie de la réalité et il les traverse donc avec son enquête plastique.

Lorena Díaz, artiste d'action, s'approche de la réalité de cette façon. Elle vit donc avec des formes de la réalité qui lui rendent visite de temps en temps grâce à son large regard : des corps – ou certaines de leurs traces – qui se rencontrent comme s'ils faisaient partie d'un corps plus grand qui se dissout ensuite dans l'infini. Qu'est-ce que ce corps instable qui se présente de manière aussi fugace et en même temps aussi réitérée? Est-ce le même corps que celui qui nourrit les mouvements de l'araignée dans la construction de la toile d'araignée, ou qui scande la manière dont les personnes se rencontrent dans le métro ou laissent leurs traces dans la rue? (surtout ces traces involontaires comme, par exemple, les chewing-gums, extensions de nos inconscients qui se touchent, dépassant le temps).

De quels types de corps ce corps insaisissable a-t-il besoin pour exister? Est-ce le mouvement des corps qui le maintient en vie ou un mouvement en puissance, par exemple, lui suffit-il? Est-il comme une éponge presque immobile qui aspire les corps hydriques à l'intérieur d'elle pour en retenir quelque chose et qui les laisse ensuite s'en aller? A-t-il besoin des corps vivants plutôt que des corps inertes? Ou mieux, est-il comme ces choses qui ne sont ni vivantes ni inertes? Comme les cheveux ou les ongles qui font partie du vivant bien que l'on dise qu'ils sont des cellules mortes alors qu'une fois coupés, ils sont toutefois la trace indéniable de la vie. Ou comme les virus les plus simples : incapables de se nourrir ou de se déplacer, ils semblent presque une simple enveloppe qui contient de la matière morte ; en revanche, cette matière morte, une fois qu'elle est en contact avec une cellule, la transforme en milliers de virus qui en feront autant avec d'autres cellules. Ils sont l'opposé le plus complet de la vie et ils sont en même temps comme un gigantesque organisme vivant et intelligent sans limites ni limitations. Qu'est-ce que ce corps instable qui se présente de manière aussi fugace et en même temps aussi réitérée? Est-ce la vie derrière la vie?

Ainsi, les opérations plastiques de Lorena sont comme une sorte de philosophie, de pensée de la réalité entière, sans concepts. Qu'ont en commun, du point de vue conceptuel, une éponge, des personnes qui se rapprochent pour s'emmêler puis se quittent, et une araignée? Rien, et pourtant le mouvement que l'éponge produit dans l'eau est semblable à celui des personnes qui se concentrent dans un espace pour ensuite l'abandonner et l'araignée suit peut-être un schéma proche de celui-là pour construire sa toile. Peut-être, un jour, quelqu'un écrira-t-il un essai qui montrera de quelle manière les fractals expliquent ces choses. Mais cela ne présupposerait-il pas que la réalité soit réductible aux mathématiques? C'est pour cela que la pratique philosophique de Lorena est plus intéressante, parce qu'en elle, la réalité se présente comme elle veut et les concepts, ses fragments, coulent et se dissolvent dans son devenir constant.


Gustavo Sánchez Velandia